Une petite renarde rusée pleine d'inventivité au TSQY
Calisto-235 a clos sa période hivernale avec une soirée au Théâtre de Saint Quentin en Yvelines, scène nationale. Soirée lyrique allant à la découverte de la Petite renarde rusée de Leos Janacek mais vraiment plus grâce à la production de l’ARCAL qui propose un véritable feu d’artifice artistique et technologique.
Nous regrettons de n’avoir pu, faute de participants en nombre suffisant, profiter de l’atelier « musique et chant » prévu au programme de calisto-235 qui aurait permis de se familiariser avec les thèmes de l’œuvre et nous assurer une écoute privilégiée. Car l’ouvrage tout autant grandiose que charmant, est avant tout novateur. Mais nous avons pu nous rattraper en assistant à l’éclairante conférence d’Irène Kudéla, spécialiste de Janacek et qui invitait le public à sa familiariser avec l’univers du compositeur tchèque, sa vie, son œuvre , son langage musical et cette espèce de miracle tardif qui, sous l’impulsion de son amour fou et platonique pour une Kamilia de 32 ans alors qu’il en a 70, lui permet de produire des œuvres éblouissantes, de Jenufa en 1903 à De la maison des morts, d’après Dostoïevsky, en 1928. Irène Kudela, grâce à la clarté de son exposé, de son excellente connaissance du sujet et de son enthousiasme communicatif, nous transporte en peu de temps vers des horizons insoupçonnés et emporte définitivement notre adhésion en nous interprétant au piano un extrait de l’hymne à la nature qui gonfle l’œuvre dans un élan panthéiste au dernier acte qui clôt un cycle dont on sait qu’il va continuer sa course à perpétuité.
Le Théâtre de Saint Quentin en Yvelines était bondé pour cette production inventive, colorée, foisonnante, réalisant une synthèse très actuelle du spectacle vivant et des arts numériques. Comment ne pas se sentir happé par ce monde réinventé sous nos yeux, grâce aux caméras, à la lanterne magique et autres projections démultipliées savamment orchestrées par Louise Moaty pour la mise en scène et Catherine Kollen pour la direction artistique ?
Il y a beaucoup à voir, peut-être trop comme c’est souvent le cas lorsque les arts numériques, la vidéo, l’image s’invitent au théâtre. On est en effet tiraillé entre deux univers : celui du visuel qui démultiplie l’action ou celui de la musique qui par essence se suffit à lui-même et dont la construction structurelle porte le but et le moyen. La musique fait souvent les frais de l’extrême sollicitation de l’œil au détriment de l’écoute qui seule peut nous mettre en adéquation avec la richesse d’une orchestration, ses couleurs et ses thématiques. On passe du coup un peu à côté des moments sublimes ou cocasses du livret et de la partition tant nous sommes hypnotisés à suivre la technique et le dédoublement des acteurs et du décor sur la toile suspendue au-dessus de la scène et qui restitue les images et l’action.
On ne peut s’empêcher de se remémorer la très belle, très poétique et jouissive production de l’Opéra de Paris (2008) dans une mise en scène d’André Engel dans des décors de Nicky Rieti et des costumes d’Elisabeth Neumuller dont le souffle évocateur et l’inventivité des dispositifs scéniques servaient avec efficacité et fluidité la fable apparemment animalière de Janacek.
On reste un peu entre deux eaux avec la production de l’ARCAL. On applaudit à la profusion et l’ingéniosité du dispositif scénique mais on regrette sa trop grande présence sur le plateau qui empêche l’abandon à l’envol, à la possibilité de sonder la profondeur du propos auquel nous invite la partition de Janacek : la supériorité transcendante d’une nature dont les cycles se succèdent immuablement et se moquent des activités humaines dont le tableau quelque peu corrompu que nous dresse Janacek s’oppose à sa Petite renarde rusée, vision d’une vie librement consentie à s’inscrire dans le cycle ininterrompu des saisons et d’un continuel recommencement.

#ThéâtredeSaintQuentinenYvelines #Sortieculturelle #Janacek #ARCAL