Passages insolites de la rive droite (1) / entre rue Saint Denis et bd Sébastopol...
La rue Saint Denis
Cette rue fut pendant longtemps la plus longue la plus belle et la plus riche de Paris. Elle est fréquentée depuis le 9e siècle.
Appelée au 14e siècle la Grant Chaussée de Monsieur Saint Denys, elle devient la voie triomphale suivie par les souverains jusqu’à Notre Dame lors de leur entrée solennelle dans la capitale.
Entrée solennelle : elle donne lieu à de très grandes fêtes qui demandent plusieurs semaines de préparatifs. Attire une affluence considérable dans la capitale. Erection d’arcs de triomphe sur le parcours, vin et lait à volonté coulant des fontaines publiques et mystères joués aux principaux carrefours.
Entrées célèbres : Isabeau de Bavière (1389), Louis XI (1461), Henri II (1549), La dernière Louis XVIII (3 mai 1814)

La rue fut aussi celle empruntée par les dépouilles mortelles des rois et reines de France de Notre Dame à la basilique Saint Denis, nécropole des rois de France.
LE COUVENT DES DAMES DE SAINT CHAUMOND
N°226 rue saint Denis, passage des Dames de Saint Chamond (suivre le lien) :
Au XVIIe siècle, le marquis de Saint-Chamond, ministre du cardinal de Richelieu, fait construire un couvent entre les rues Blondel et du Ponceau sur l’emplacement d’une ancienne cour des miracles (contre l’enceinte de Charles V).
Le couvent est cédé en 1683 aux Filles de l’Union Chrétienne. Cette communauté a été fondée par Saint-Vincent de Paul et madame Polaillon. Elle a pour vocation d’instruire les femmes converties, que l’on surnomme les “dames de Saint-Chaumond”.
Pour accueillir les pensionnaires du couvent, un bel hôtel de style Rocaille (Louis XV) est commandé vers le milieu du XVIIIe siècle à l’architecte Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne (1711-1778), petit-fils de Jules-Hardouin Mansart.
En entrant dans le passage par le n°131 du boulevard de Sébastopol, vous débouchez sur une belle façade ondulante animée par une rotonde centrale. Les consoles du balcon du premier étage sont gracieusement sculptées. Le mascaron du balcon, sculpté par Nicolas Pineau, représente une tête de femme.
Côté rue saint-Denis, la façade de l’hôtel est plus sage, animée par un avant-corps central. Les clefs des baies sont sculptées de mascarons. L’hôtel a été surélevé.
L'église attenante au couvent, une oeuvre de l'architecte Pierre Convers réalisée en 1782 dans le style antique qui se trouvait à l'angle de la rue Tracy, sera entièrement détruite. Mais le logis des Dames de Saint-Chaumond est préservé.
Coin de la rue de Tracy : couvent des Dames de Saint Chamond (suite)
A la suite de la Révolution, le couvent devient propriété nationale en 1795. La chapelle désaffectée est réhabilitée en imprimerie sous l'égide du maître-imprimeur Jean-François Furcy Michelet, père du célèbre historien Jules Michelet.

De nos jours, ce bâtiment exceptionnel, pierre de taille et fer forgé, a conservé son plan en courbes et contre-courbes. Le décor des façades réalisé par Nicolas Pineau, maître de l'art rocaille ou rococo est classé au titre des Monuments historiques. Côté rue Saint-Denis, la porte principale est surmontée d'un écusson encadré de deux consoles rococos. Le balcon en ferronnerie ouvragée, dalles chantournées, volutes de pierre, est marqué d'un monogramme. Deux pavillons saillants, ajout ultérieur, flanquent la façade rectiligne aux baies cintrées en rez-de-chaussée et au premier étage. Les arcades portent des agrafes formant clef.
L'église attenante au couvent, oeuvre de l'architecte Pierre Convers réalisée en 1782 dans le style antique qui se trouvait à l'angle de la rue Tracy, sera entièrement détruite.
Noter le bas-relief à la mémoire de Michelet : « sur cet emplacement s’élevait l’église des Dames de Saint Chaumond, transformée en 1735 en maison d’habitation »
Sortir du passage Saint Chamond par la rue Saint Denis, descendre la rue jusqu’au passage du Ponceau, revenir par la rue du Caire et descendre la rue Saint Denis jusqu’au passage Basfour.
ENTRE COURS DES MIRACLES ET ENCLOS DE LA TRINITE
Passage du Ponceau
Ouvert en 1826.
Il donnait dans la partie de la rue du Ponceau, emportée en 1854 par le bd Sébastopol.
Il doit son nom au ponceau, petit pont couvrant un égout à ciel ouvert au-dessus de la rue Saint Denis.
L’égout fut recouvert par François Miron, prévôt des marchands.
Retour par la rue de Palestro, croisant le dernier vestige de la rue du Ponceau (longtemps une des rues les plus chaudes du quartier).
Angle de la rue du Ponceau et Saint Denis
On y trouvait la belle fontaine du ponceau : lors de l’entrée solennelle de Louis XI, trois jeunes filles nues y jouèrent le rôle de sirènes pendant que le vin, le lait et l’hypocras coulait des robinets.
Dans cette rue habitait les parents de melle Lange, future du Barry.
Remonter vers la cour du Roi François, un des emplacements des nombreuses cours des miracles existant à Paris et dans ce quartier tout particulièrement.
A lire : les cours des miracles

Angle de la rue Réaumur et de la rue Saint Denis
Superbe horloge en céramique et splendide façade du magasin Monoprix faisant l’angle avec le bd Sébastopol.

L’abaissement de 100 mètres carrés du deuxième sous-sol du Monoprix Réaumur-Sébastopol a entraîné la découverte par les archéologues de l’Inrap de nombreux ossements humains, liés au cimetière de l’ancien hôpital parisien de la Trinité.
Fouilles archéologiques dans les sous-sols du Monoprix

Le Monoprix Réaumur-Sébastopol se trouve à l'emplacement du cimetière de l'Hôpital de la Trinité, fondé au XIIe siècle et détruit à la fin du XVIIIe siècle. Des cinq hôpitaux de la rue Saint-Denis, c’est celui qui a l’histoire la plus mouvementée : il a eu successivement comme vocation d’assurer l’hospitalité aux pèlerins, de soigner les vérolés «de Naples», est devenu un orphelinat et – chose inattendue – a vu la naissance au Moyen-Âge du théâtre parisien. Normalement, c'est au cimetière des Innocents, plus bas dans la rue Saint-Denis, que les Parisiens étaient enterrés, mais lors des grandes épidémies, c'était insuffisant. En 1983, le professeur de pharmacologie Jean Cheymol (1896-1988), qui fut aussi un insigne historien de la médecine, rapportait ainsi que pendant les épidémies de 1348 (peste noire), de 1414, de 1428, etc., alors que l'on comptait plusieurs centaines de morts par jour à l’Hôtel Dieu, on est allé ouvrir de grandes tranchées dans d’autres cimetières, par exemple à la Trinité.
Or ce sont justement des traces de gestion d’une crise de la mortalité parisienne que les archéologues ont retrouvées sous le Monoprix Réaumur-Sébastopol. À ce jour, ils ont découvert huit sépultures multiples, dont sept comptent entre 5 et 20 individus, déposés sur deux à cinq niveaux. La huitième fosse en a livré pour l’instant plus de 150, qui ont été déposés avec soin et de façon très organisée sur cinq à six niveaux. Ainsi, au moins deux rangées présentent des individus qui ont été déposés « tête-bêche », tandis qu’une troisième rangée semble s'étendre en dehors de l’emprise de la fouille.
Pour le moment, les raisons de ces décès en nombre ne sont pas connues. Aucune lésion n’est visible ; femmes, hommes et enfants sont représentés. Pour essayer de déterminer ces causes, les archéologues vont procéder à des datations au radiocarbone et à des prélèvements d’ADN.
Même si l'épisode auquel ces fosses sont rattachées n'est pas élucidé, elles ont laissé des traces dans la mémoire parisienne. Jean Cheymol racontait que, mal fermées, elles ont contenu jusqu'à 600 cadavres. Les terribles pestilences qu'elles créaient dans le quartier rendaient particulièrement difficile la vie des pauvres orphelins recueillis par l'hôpital, puisqu'ils vivaient dans des bâtiments donnant directement sur le cimetière. Malgré la chaux que l’on ajoutait, ces nuisances persistaient, de sorte que jusqu’à la Révolution et la disparition de l'hospice, une lutte a persisté pour éloigner le cimetière. « En 1672, rapporte Jean Cheymol, Hôtel Dieu et Trinité achetèrent un terrain… dit de Clamart, faubourg Saint-Marcel, pour y transporter progressivement (1678-1692) leur cimetière ». Les habitants de l’hospice comme du quartier purent ensuite enfin enterrer et oublier leur passé pestilentiel, jusqu'à que son souvenir remonte brusquement du fin fond d’un Monoprix…
Les fouilles de l'INRAP
Une équipe de l'Inrap fouille jusqu'en mars 2015, sur prescription de l'État (Drac Île-de-France), 100 m² des caves du Monoprix Réaumur-Sébastopol dans le deuxième arrondissement de Paris avant leur réhabilitation en lieux de stockage. L'abaissement du niveau de sol d'une partie des caves du deuxième sous-sol a entraîné la découverte de nombreux ossements humains liés au cimetière de l'hôpital de la Trinité. Ces recherches permettent d'étudier, pour la première fois à Paris, un contexte hospitalier au sein même de la ville qui abritait plusieurs établissements de ce type.
Le Monoprix Réaumur-Sébastopol occupe l'ancien immeuble Félix Potin, construit à l'emplacement du cimetière de l'hôpital de la Trinité, fondé au XIIesiècle et détruit à la fin du XVIIIe siècle. La fouille des sépultures permet de mieux comprendre les pratiques funéraires mises en place en milieu hospitalier aux époques médiévale et moderne. Elle offre notamment l'opportunité d'observer la gestion des morts par les vivants en cas de crises de mortalité (épidémies, fièvres, famines).
À ce jour, huit sépultures multiples ont été découvertes. Sept d'entre elles comptent entre cinq et vingt individus, déposés sur deux à cinq niveaux. La huitième fosse s'avère beaucoup plus importante avec, pour l'instant, plus de 150 défunts. Ils y ont été déposés avec soin et montrent un mode de dépôt très organisé : au moins deux rangées d'individus sont déposés tête-bêche, une troisième rangée semblant se développer en dehors des limites de la fouille. Les corps reposent sur cinq à six niveaux.
Cette très grande fosse commune dont les limites ne sont pas cernées, paraît correspondre à une crise de mortalité dont la cause n'est actuellement pas connue. Adultes (femmes et hommes de tous âges) et enfants sont représentés. Les restes osseux ne présentent pas de lésions (pathologies, traumatismes) permettant d'identifier la cause de ces décès en masse. Des prélèvements ADN sont en cours afin de la déterminer. Des datations radiocarbone vont également être effectuées pour comprendre la chronologie de ces sépultures multiples.
À l'issue de la fouille, les objectifs de l'étude de cet ensemble seront donc multiples : mieux appréhender la gestion des défunts à travers les modes de dépôts mis en évidence dans les différentes fosses, l'organisation spatiale et chronologique du cimetière et la répartition éventuelle des défunts selon des critères biologiques (âge au décès, sexe...) et sanitaires (éventuelle épidémie). L'étude des textes et des plans anciens de Paris permettra également d'apporter un regard complémentaire sur cet ensemble hospitalier.
L'occasion de fouiller ce type de contexte est peu fréquente alors que de nombreux aspects des pratiques funéraires associées aux hôpitaux médiévaux et modernes restent méconnus : en France, moins d'une dizaine de sites ont fait l'objet d'une étude anthropologique et les synthèses sur le sujet sont rares. Paris abritait plusieurs établissements hospitaliers ; les résultats de cette première fouille archéologique, croisés avec les sources archivistiques, les éclaireront d'un jour nouveau.
Passage Basfour
Origine du nom : La rue aboutissait aux fours de la Plâtrière de la Croix Verte, devenue plus tard le cimetière de l'hôpital de la Trinité.
Le passage existe au moins depuis le milieu du xive siècle. Il s'agissait alors d'une impasse.
En 1224, l'hôpital de la Trinité acheta la plâtrière de la Croix-Verte, une ancienne carrière de plâtre, pour en faire un cimetière.
Le cimetière de la Trinité était délimité par les actuelles rue Saint-Denis, rue Greneta, boulevard de Sébastopol, rue Guérin-Boisseau.
L'édit de Beaulieu, en 1576, accorde le droit de sépulture, dans ce cimetière, aux protestants. La partie qui leur était affectée était située au Nord, en bordure du passage Basfour, l'autre partie restant pour les sépultures catholiques.
Le haut du passage a disparu depuis 1857. Le passage a miraculeusement survécu au boulevard Sébastopol !

On distingue dans le prolongement du cimetière des huguenots (en bleu) le cul de sac de Basfour prolongé pour faire l'actuel passage Basfour.
Le passage de la Trinité longe le cimetière catholique en vert et rejoint la rue Saint Denis.
A lire : évolution de l'îlot de la Trinité
Passage de la Trinité
Ouvert en 1827, il correspond à l’entrée de l’ancien hôpital de la Trinité ou hospice des enfants bleus (couleur de leur uniforme) et de son cimetière. Celui ferma pour des questions de salubrité publique en 1678.
L’hospice et son église furent supprimés à la Révolution puis démoli en 1817.
Ce passage est l’ultime vestige de cette institution.
Lugubre à souhait, il sert d’urinoir aux promeneurs de la rue Saint Denis depuis la suppression des vespasiennes.
Il possède heureusement encore son ruisseau axial.
