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Voix exceptionnelle, "La" Carmen du 20e siècle, la mezzo-soprano Teresa Berganza nous a quittés.

Dernière mise à jour : 18 mai 2022

“Je veux partir sans faire de bruit... Pas d'annonce publique, pas de veillée funèbre, rien. Je suis venue au monde et personne ne l'a su, alors je souhaite la même chose quand je partirai. »




D'une sérénité et d'une lucidité rares, tels sont les mots, de cette chanteuse de légende qui brilla au firmament de l'art lyrique pendant toute une carrière exemplaire.


Nous ne pouvons que respecter ce souhait, toute sa famille s'y est pliée, mais il n'empêche que nous pouvons témoigner à titre personnel de l'impact de cette voix si reconnaissable, rayonnante, au phrasé inimitable, à la chaleur réconfortante et suave.


Sa carrière prit son essor au Festival d'Aix en 1957 en interprétant le rôle de Dorabella de Cosi fan tutte de Mozart. Elle en fut une interprète de tout premier plan ainsi que du maestro Rossini dans des Rosine et des Cenerentola de légende.




Nous ne pouvons pas oublier non plus tous les compositeurs qu'elle servit au disque comme au concert, merveilleuse et charismatique diva, apparaissant pour ses récitals dans des tenues toujours flamboyantes.



Je n'aurais probablement jamais aimé autant l'art lyrique sans cette voix qui me cueillit un matin de début d'été alors que je n'avais pas encore vingt ans. J'aimais la musique, la pratiquais assidûment. La guitare et le piano étaient mes compagnons et tout le répertoire qui va avec. Et la musique pour la danse dont je raffolais, puisque je dansais depuis toujours, ma grand-mère et ma mère étant professeurs de danse classique. Mais il y eut ce déclic.

J'avais acheté un très bel et gros appareil radio-cassette au design très professionnel qui me suivait partout pour donner mes cours et aussi pouvoir écouter de longues heures de musique. Ce dimanche matin-là, il était encore tôt, je me prélassais au lit dans la chambre que je partageais avec ma sœur Laurence dans la petite maison de campagne de mes parents, cernée par les blés de Beauce.

Je ne connaissais pas cette musique - le magnifique Pulcinella de Stravinsky d'après l'oeuvre de Pergolèse - et j'entendais pour la première fois cette voix d'une chaleur incomparable, envoûtante, comme le parfum capiteux de roses anciennes.



La voix de Berganza m'a menée sur les chemins insoupçonnés de l'art lyrique que je découvris un peu mieux grâce au Don Giovanni filmé par Joseph Losey auquel participa Berganza pour une Zerline inattendue face au regard carnassier de Ruggero Raimondi.


J'ai aimé cette voix dans Mozart et Rossini, dans le Stabat Mater de Pergolèse et le Nisi Dominus de Vivaldi, dans les mélodies du 17e siècle, les airs et les mélodies espagnoles dont elle laisse un témoignage inestimable au disque.




Et bien sûr dans Carmen, opéra que j'ai tellement écouté que j'ai fini par le savoir par cœur et dont je fredonnais les airs, abominablement mal. Cette voix me rendait heureuse. C'était un trésor qui n'appartenait qu'à moi. Il m'envahissait d'une plénitude toute autant sensuelle qu'intellectuelle.



Vous êtes partie Madame, un vendredi 13, et vous nous laissez orphelins d'une part de notre vie, celle cachée qui alimente vos peines, vos élans, vos rêves les plus fous. Merci de nous avoir tant donné.



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